Ce matin, il a suffit d’une coïncidence, pour que je comprenne ce qui me ronge depuis si longtemps. Il m’a fallu du temps pour réaliser, pourtant les indices ne manquaient pas. Maintenant quoi faire ?
Ca fait plus d’un an que je n’ai rien écrit de concret et dernièrement je sens quelque chose en moi qui germe. Je me mets à penser que je devrai peut-être retravailler mon premier manuscrit que les éditeurs avaient refusés. Je me dis ça tout en commençant le premier tome de 1Q84 de Haruki Murakami. Dans ce livre un des héros est un écrivain qui n’a jamais publié, et c’est en réécrivant le manuscrit d’une inconnue qu’il se redécouvre et trouve enfin ce qui lui manquait. Il décide d’écrire un nouveau roman, convaincu, sans l’ombre d’un doute qu’il sera bientôt publié.
Cette semaine je retombe sur une vieille connaissance. Nous prenons le café et il se met à me parler de mon blog. Blog que je n’ai pas alimenté depuis plus an. « C’est vraiment dommage mec ! Tu as quelque chose, ne le perds pas. Il faut bosser, il faut t’y remettre. Ca ne tombe pas tout cru. Donne toi les moyens! » m’a-t-il dit en me regardant droit dans les yeux. C’est le genre de paroles qu’il ne jette pas en l’air. Ce n’était pas un conseil, c’était presque un ordre. Comme si je lui devais quelque chose. Trinquons à ça : au devoir.
Ce matin, le travaille n’est pas passionnant et encore moins urgent. Je découvre alors la joie d’avoir enfin Internet au travail. Lecture de mangas en ligne, site de vidéos inutiles mais très drôles, et puis un tour rapide sur mon blog. C’est étrange de se relire après tant de temps. Il y a du bon, il y a du moins bon, mais c’est moi. Au fur et à mesure que je relis mes lignes, une sensation étrange m’étreint les poumons. C’est une graine qui pousse à l’intérieur. C’est peut-être un nénuphar, et bientôt je vais mourir comme Chloé dans l’écume des jours de Boris Vian. C’est une sensation douloureuse, j’ai presque le souffle coupé. Je sais que c’est une expression un peu forte, mais c’est la réalité. J’ai soudain envie de pleurer et je ne comprends pas pourquoi. Mes collègues sont partis à la machine à café et c’est tant mieux, je préfèrerai qu’ils ne me voient pas dans cet état. Je laisse passer cinq minutes à regarder le plafond en tournant sur ma chaise de bureau. Pour penser à autre chose je décide d’aller jeter un œil aux blogs que j’avais mis en lien. Mes sites amis. Un terme étrange vu que pour la plupart nous ne nous connaissons pas. Ca ne m’empêche pas d’apprécier ce qu’ils font. En cela ce sont des amis. Je clique sur le premier site, celui à l’actualité la plus récente : Le Blavog.
Je lis, je lis, je lis, j’ai mal. Mon cœur s’accélère, mes poumons sont remplis de sensations étranges, comme si quelque main géante m’enserrait dans son creux. J’ai comprend enfin ce qui m'arrive. C’est comme si j’avais trouvé mon alter-égo idéal. Un dopplegänger venu m’annoncer que je suis un raté. Navo, c'est un peu l’autre moi que je projette en rêvant. Quand j’ai le cafard, je me grille une clope à la fenêtre et il m’arrive souvent de commencer une phrase à voix haute : « Un jour, je serai… ». Je ne finis jamais cette phrase, parce que je commence à chanter le générique de Pokémon, mais surtout parce que j’ai peur de dire à voix haute ce que je veux vraiment. Ce que je devrai avoir les couilles, le courage, et la détermination d’exiger de moi-même. Un jour je serai publié. Un jour je serai reconnu. Un jour je pourrai vivre de l’écriture. Un jour je gagnerai ma vie en faisant ce qui m’exalte le plus au monde. Un jour je me sortirai les doigts du cul, et je ferai les sacrifices nécessaires pour devenir enfin fier de moi.
Il y a une partie de moi-même qui s’est perdu en cours de route ces dernières années. Il me manquait quelque chose. Cette sensation douloureuse que j’ai ressentie, le nénuphar, c’était le vide en moi qui s’ouvrait grand. De lire mes textes, de voir des gens talentueux réussir parce qu’ils y croient, ces coïncidences qui se multiplient, je réalise soudain que je n’ai rien à faire dans ce bureau. Je réalise que ma vie ne devrait pas être celle-là. Le manque de temps c’est une excuse. Il y a tant de choses que je dois écrire, des idées qui se bousculent par centaines. Tout ça ne devrait pas passer au second plan. Cette douleur c’était de la frustration, c’était de l’impuissance. Tout ce temps perdu…
Qu’est-ce qu’il me reste à faire maintenant que j’ai réalisé?! Quitter mon job ? Tout plaquer ? Aujourd’hui je me suis retrouvé. Je bouillonne, je vais exploser, je ne sais pas comment faire, ni quoi faire. Trop de temps perdu à rattraper. Je veux me sentir vivant à nouveau, mais j’ai perdu le mode d’emploi.
Fais comme tout bon geek (et affilié) qui se respecte : ne lis pas le mode d'emploi ! Tâtonne, teste ! Essaie des choses, pose des mots les uns à côté des autres, laisse les phrases se former d'elles-mêmes, comme si elles surgissaient soudain d'une dimension oubliée, d'un espace où les textes s'auto-génèrent, se rencontrent, croissent et multiplient sans entraves ni censure, comme si tu n'étais finalement qu'un pécheur perdu seul sur sa barque au milieu d'un gigantesque océan de lettres. Et n'hésite pas non plus à quitter ton frêle esquif pour plonger directement dans l'onde littéraire, t'immerger dans cette immensité et en ressortir neuf, ouvert, la tête pleine d'idées nouvelles et prêtes à être couchées sur une feuille vierge et immaculée...
RépondreSupprimerDiantre, suis-je en train de parler de toi ou de moi en fait... ?
M'immerger signifierait l'abandon total et c'est en total opposition avec mon mode de vie actuel. Mais c'est à peu près mon plan ^__^.
RépondreSupprimerÊtre reconnu, quel artiste n'aspire pas à ça ? Navo a réussi avec sa série, parce qu'il a du talent c'est sûr.
RépondreSupprimerPersévérer encore et encore, avant d'atteindre le hall of fame. Très beau blog en tout cas ; je lis volontiers les archives, mais c'est long, très long.
Je t'envie d'arriver à écrire autant...