lundi 28 mai 2012

You picked the wrong guy...

      Ca t'apprendra petit fils de pute! Tu m'as volé mon portable, moi je vole ta vie. Semer le vent, récolter la tempête. Ca te dis rien peut-être? C'est vrai, tu n'écoutes sûrement pas en cours. Tu n'as que ce que tu mérites enculé! Voilà ce que ça veut dire : tu vas crever connard! Toi qui jouais les fiers à bras..."Eh mec tu me prêtes ton portable? J'ai un appel super important à passer. Juste 30 secondes." Bien sûr j'ai répondu non. Je suis pas un couillon, et je me suis pas acheté un GS2 juste pour le filer à n'importe qui dans le RER. Alors, je me suis pris un coup de poing en plein sur la joue. Je n'ai senti la douleur qu'après. J'étais déjà le cul par terre et tu enchaînais avec des coups de pieds dans les côtes. "Tu m'le files maintenant ton portable enculé?" Tu n'aurais jamais du faire ça tu sais. Tu es la goutte qui as fait déborder mon vase. Le connard de trop dans une vie de merde. Tu payes pour les autres. Facile de te retrouver, tu es resté dans ma rame tout le reste du voyage à te pavaner et me traiter de "PD !".
      Ce que j'ai préféré, c'est ce visage surpris quand la lame s'est enfoncé la première fois dans ton ventre. Genre "putain il est ouf ce mec!" Ce genre de regard. Genre toi t'as le droit de me tabasser pour me piquer mon portable, mais moi je peux pas te filer un coup de couteau? J'ai pas trop suivi ce que t'as essayé de me dire ensuite. Sûrement une insulte. Un deuxième coup dans les poumons MEC, ça t'apprendra la vie. Et que je gargouille et que je fais des bulles quand je respire. Alors mec, t'es un dur ou pas? Pourquoi tu te pisses dessus alors enculé? T'as vu ce qu'il te fait le "PD"? Personne n'a rien remarqué. Tu penses, les gens ne veulent surtout rien voir. Ils ont fait quoi les gens quand je me suis fait dépouillé? Que dalle! Ils ont fait que dalle ces enfoirés, et ils feront rien pour toi MEC! Faut pas me regarder comme ça tu sais, ça va rien changer. Au contraire, ça me donne des idées. Le train suivant arrive déjà en gare : on parie qu'il te verra pas à temps MEC? Je vais enfin savoir à quoi ça ressemble quand un type se fait rouler dessus par le RER. Toi aussi tu vas savoir! T'es pas content MEC? Le train arrive, t'es prêt MEC? 3...2...1...

mercredi 16 mai 2012

Souvenirs de vacances (2)

Au cas où vous débarqueriez, le début de l'histoire c'est ici: Souvenirs de vacances.

Je me réveille en sursaut. L’espace d’un instant, je me suis assoupi sur mon transat près de la piscine. Rapidement, je vérifie que personne ne s’est aperçu de mon absence passagère. Les animateurs font un sketch à la Benny Hill en se courant après autour de la piscine accompagnés par la musique ringarde de l’émission. Aux 4 coins de l’esplanade, fusil à l’épaule d’autres animateurs surveillent la scène. Ils ont l’air moins détendus, eux.

Comment ai-je pu m’endormir dans ce vacarme ? C’est sûrement l’alcool. Le bar de l’hôtel nous en sert à volonté. Coup d’œil au bracelet rouge à mon poignet. Sur simple présentation de ce petit bout de plastique, cocktails et buffets à volonté. Boire et manger, ça nous occupe. Boire surtout, ça nous fait tenir. Ça nous fait oublier aussi. Oublier le gros René. Plus large que haut, les joues rouges et la blague facile malgré l’adversité. Il a simplement refusé de participer au tournoi de pétanque du 2e jour. D’un coup de machette, ils lui ont ouvert le ventre devant tout le monde. Ses entrailles se sont répandues instantanément à ses pieds dans un chuintement visqueux. Boire pour oublier ses cris d’agonie, son visage. Les animateurs nous ont forcés à faire la chorégraphie du club devant lui. Les réticents se sont pris une balle dans la tête. Les autres ont dansé. J’espère qu’il aimait la Macarena car c’est la dernière chose qu’il a vu avant de s’effondrer dans ses propres entrailles.

Boire c’est tout ce qui nous reste. Même se nourrir est devenu une épreuve. Au réfectoire, parqués les uns contre les autres, nous effleurons à peine nos assiettes. Qui pourrait avoir de l’appétit dans pareille situation, à part Wallid peut être. Le chef des animateurs se bâfre tous les jours. Se goinfrant joyeusement à tous les repas, faisant d’innombrables aller-retour jusqu’au buffet, un sourire joyeux aux lèvres. Un adolescent en pleine croissance. En d’autres circonstances, il en serait presque attendrissant de naturel. Souvent, il vient s’assoir avec nous pour faire la conversation. « Alors, ça va le jeunes ? ». Que voulez-vous répondre à ça ? Je fixe mon assiette avec intensité en pensant à autre chose. A René, le gros syndicaliste qui n’a pas voulu fermer sa gueule. Comment honorons-nous son courage ? En riant jaune aux blagues graveleuses des animateurs ? En bronzant au bord de la piscine ? En applaudissant au spectacle chaque soir ? Le spectacle…Ca me revient soudain, il faut que je me dépêche d’aller en salle de répétition. Je dois m’entraîner pour le spectacle de ce soir : Dirty Dancing. Je fais la fille, Baby. Le porté est difficile. Qui sait ce qu'ils pourraient nous faire si on venait à le rater.

Je me dégoûte. Une bande de rats, de lâches. Voilà ce que nous sommes.

lundi 14 mai 2012

Souvenirs de vacances

        Le bandeau sur les yeux j’avance à petit pas. Voilà plus de trente minutes que nous marchons de la sorte, lançant un pas après l’autre dans l’obscurité espérant trouver le sol sous nos pieds. C’est épuisant. La lumière du Soleil brûle ma peau. La chaleur est insupportable et la chemise cintrée que j’ai eu l’idiotie de choisir ce matin pour aller à l’aéroport est sûrement maculée de larges auréoles de transpiration. « Avance ! » m’invective-t-on en me poussant dans le dos. Je manque de trébucher mais parviens à me rattraper in extremis. D’autres avant moi sont tombés, ceux-là je ne les entends plus. J’en conclus qu’il ne vaut mieux pas tomber. « Où est-elle ? Où est ma femme ? » demande nerveusement quelqu’un derrière moi. C’est la voix d’un vieil homme. Une voix éraillée chevrotante. Le pauvre homme, on lui a enlevé sa moitié, il semble perdu. « Elle est avec les autres femmes. Elles vont dans un autre camp. T’inquiètes pas papy, on va bien s’occuper d’elle. » répond l’homme qui m’a sûrement poussé à l’instant. J’entends un bruit sourd et un corps qui chute au sol. Le vieil homme se met à geindre, à sangloter sûrement. Je ne peux rien faire. Je dois continuer d’avancer ou bien c’est moi qui finirai par terre. Notre bourreau part dans un grand éclat de rire. Ce rire me glace le sang. C’est un rire clair. Une voix aérienne, jeune, très jeune. Je lui donne à peine 18 ans. Qu’est-ce qui peut mener un enfant à commettre ce genre d’atrocités de son plein gré. Le désespoir ? Le chômage ? La pauvreté ? Le manque d’éducation ? Pas le temps de réfléchir, je dois continuer d’avancer. Un pas après l’autre. Les minutes passent et le vieil homme continue de sangloter, pendant un temps indéterminé. Longtemps. Et puis notre jeune bourreau reprend la parole : « C’est bon, vous êtes arrivés. Vous pouvez enlever vos bandeaux. ». Nous nous exécutons comme un seul homme. La lumière éclatante me brûle les yeux. Après quelques secondes de mise au point, je discerne enfin correctement le paysage. Des palmiers, une grande piscine à débordement, eau limpide, bleue turquoise. Nous sommes à l’entrée d’un grand bâtiment design aux larges bais vitrés. Un hôtel. Je ne comprends pas. Où sommes-nous ? Pourquoi nous avoir enlevé ? Que faisons-nous ici ? La même stupeur semble frapper mes camarades d’infortune. Un assemblage hétéroclite de personnes âgées, de piliers de bars ventripotents aux joues rouges, de familles… Nous échangeons des regards inquiets sans trop comprendre ce qui nous arrive. Soudain, en hauteur en travers de la façade de l’entrée de l’hôtel, je remarque une banderole rouge écrites en larges caractères blancs. Ce que je lis n’a aucun sens. Pourtant, plusieurs voix enjouées répètent les mêmes mots que je viens de lire. «BIENVENUE AU CLUB LOOM !!» lancent en cœur plusieurs jeunes personnes qui se dégagent de la foule. Des jeunes hommes et femmes de 18-20 ans, beaux et bronzés, même short rouge et T-shirt blanc, une arme en bandoulière. Ils se rassemblent face à nous tous devant les portes de l’hôtel et répètent à nouveau, sourire d’un blanc éclatant aux lèvres, armes pointés dans notre direction : « BIENVENUE AU CLUB LOOM !! BIENVENUE EN VACANCES ! ».

       Si la suite vous intéresse: suffit de demander.