jeudi 2 février 2012

This is the End - Episode 1

Le RER encore et toujours. Traverser la région parisienne, balloté contre des centaines d’inconnus. Regarder le paysage défiler. Les gens sur les quais, les tunnels, les immeubles gris. Ecouter de la musique sur son MP3, lire un livre, regarder le furoncle de son voisin, détailler la robe moulante de sa voisine, imaginer leur vie. Etre fatigué, être heureux, sourire à l’idée d’être en Week-end, s’enfermer dans le stress de la journée. Les journées se répètent et se ressemblent. Benjamin, Ben pour les intimes, se laisse porter par le flot des jours, mallette à la main, la cravate noué autour du cou. La trentaine, le crâne rasé, le visage rond, les joues pleines. Ses lunettes noires à bord épais soulignent le regard malicieux de ses yeux verts, sa seule fierté. Il n’est ni petit, ni grand. Un léger excédent de poids qu’il perdra un jour lorsqu’il se motivera pour faire du sport. Benjamin est las, fatigué, mais ses yeux continuent de sourire. Comme souvent il a fait la fête avec des amis la veille. Boire, parler de rien d’important. Crier plus fort que ton voisin, vanner le plus possible, trouver des jeux de mots improbables pour faire rire tout le monde. Jouer à la console, regarder la télé réalité en se moquant des idiots qui y participent, draguer un peu aussi. Se sentir léger, se sentir ivre, se sentir vivant. La banque ce n’est pas sa vie, c’est juste un moyen de la gagner. La vie pour lui c’est hier soir, c’est ce soir, c’est demain soir. C’est rire et profiter de ses amis. Faire n’importe quoi, rencontrer des gens, vivre des trucs.



La Défense, lui annonce les haut-parleurs. C’est là qu’il descend. Alors qu’il franchit les portes, poussé par une foule de jeunes cadres dynamiques, on entend un cri. "Allez-vous en bordel ! Il arrive !" Tout le monde tourne les yeux en continuant de marcher. Tout au bout du quai, à gauche, il y a un homme qui court de toutes ses forces vers le train. Sa chemise est parsemée de tâches rouges et son visage est recouvert d’égratignures. Il tente de rejoindre une porte, mais la foule le repousse. "Barrez-vous putain !" hurle-t-il désespéré. Encore un mec qui pète un câble se dit Benjamin avant d’entendre plusieurs détonations. L’homme s’étale de tout son long ainsi qu’une jeune fille en tailleur. C’étaient des coups de feu, les premiers que Benjamin entend de toute sa vie, à part à la télévision bien sûr. Instantanément, il tente de remonter dans la rame, mais c’est déjà la panique. Tous les passagers qui étaient sortis tentent de rentrer à nouveau dans le RER. Dans la bousculade, quelqu’un lui fait perdre l’équilibre, il tombe comme au ralentit. Une autre série de coups de feu vait voler en éclat une fenêtre tout près. Dans la rame, plusieurs personnes sont touchées, elles s’affaissent. Des hurlements, des cris de terreur, le sifflement des portes qui se referment. "Je vais crever ici." se dit Benjamin. Le train démarre à toute vitesse, encore arrosé d’une salve nourrie. Une arme automatique sûrement. "Reviens-ici tout de suite connard de train !!" hurle-t-il à plein poumons. C’est la seule chose intelligente qu’il trouve à raconter en pareille situation. Une balle vient siffler à son oreille. Il manque de mouiller son pantalon. Instinctivement il se retourne. Ses yeux ont beau scruter frénétiquement dans tous les sens, il n’arrive pas à voir le tireur. "Plutôt mourir que de crever ici" siffle-t-il en se relevant d’un bond. L’adrénaline commence à avoir un effet productif, il se met à courir. Mais vers où ? Les balles le frôlent encore une fois et vont éclater une poubelle à sa droite. Par déduction, le tireur est à gauche. Il accélère en direction de l’escalator à sa droite. Jetant un coup d’œil par-dessus l'épaule, il entrevoit une vague forme jaune et bleue qui se dégage de derrière une colonne d’ascenseur plus loin sur le quai. Une autre salve est tirée dans sa direction, mais aucun projectile ne fait mouche. Benjamin à une course complètement aléatoire, on le croirait agité par la danse de Saint-guy. La tête rentrée au maximum dans les épaules, il bondit d’un côté, roule de l’autre, accélère et change de direction en permanence. S’il y a bien une chose qu’il aura appris en jouant en ligne, c’est qu’une trajectoire rectiligne c’est la mort. Trop facile à viser. "Tu m’auras pas fils de pute !! J’ai tous les trophées platines sur Battlefield !" Son cri est un défi à la mort. Dès qu’il a entendu la première balle, il l’a su : c’est un survivant. Il n’est pas de ceux qui se figent d’effroi face aux phares d’un camion, il est de ceux qui se protègent des balles avec un cadavre, ce qu’il aimerait bien faire s’il avait le temps. La bave aux lèvres, le visage inondé de sueur, il court dans tous les sens comme un dérangé. Il doit vivre, il doit survivre à tout prix. Il a réussi à atteindre les escalators et grimpe les marches quatre à quatre. Son souffle est une vapeur bouillante, de l’acide coule dans ses veines, et son cœur bat tout rompre, mais pourvu qu’il batte encore. Derrière lui, il entend un cri terrifiant. Quelque chose d’inhumain, d’horrible, grave comme le craquement du sol dans un tremblement de terre. Ce cri lui glace le sang, bien plus que les balles qui pleuvent sur lui depuis tout à l’heure. Un son malsain et inquiétant, vieux comme le monde. Il manque presque de perdre l’équilibre à une marche de la fin de son ascension. "Ferme ta gueule Chewbacca ! Woooooaaa !" fait-il en imitant le pote de Han Solo, caché derrière une rambarde toute proche. A l’abri, il cherche désormais à savoir qui est la menace et par où elle risque d’arriver. De son poste, il distingue beaucoup mieux son agresseur. Il n’en croit tout d’abord pas ses yeux. Ca n'est pas le genre de truc qu'on voit tous les jours. L'impossible devient possible. Une sorte de farce cosmique. Le muscle saillant, le sourire carnassier, un petit chapeau blanc de marin vissé sur le coin de la tête, l'oeil rieur, entre ses mains jaunes une kalashnikov crache des douilles fumantes sans discontinuer. C’est bien le poisson de la publicité Croustibat qui lui tire dessus en marchant sur ses petites nageoires. Pour Benjamin s'en est trop. "Mais what the fuck ?!"



A suivre…

2 commentaires:

CaliKen a dit…

Mon dieu ça défonce !

notilus a dit…

Mouahahahaha c'est jouissif...