vendredi 1 mars 2013

Amours charnels

Tu as trébuché en me voyant accourir vers toi. La surprise se mue rapidement en terreur. Tu es comme paralysée par la peur et tu ne parviens même pas à te relever. Te voir fuir en rampant d’une façon si disgracieuse me rend triste, toi qui étais si belle.

Nous ne nous sommes jamais parlé pour ainsi dire, et ce n’est pas maintenant que cela va changer. Pourtant je t’ai toujours observé dans l’ombre, en silence. Gardant pour moi seul ce désir grandissant. Travailler au même étage que toi c’était une chance; et quand bien même nous étions dans des services différents, je pouvais régulièrement t’apercevoir. La pâleur de ta peau parsemée de taches de rousseur. La douceur de tes traits angéliques, comme un pied de nez aux débordements érotiques de ton corps opulent. Tu faisais frémir ma chair quand j’étais un vivant, et tu continues encore par-delà ma mort.

Je n’y peux rien, ce n’est pas contre toi. Je ne suis que le pilote impuissant d’un vaisseau de chair en décomposition. La faim qui m’étreint n’a aucune limite, mais ce corps qui ne m’obéis plus, je le ressens encore. Je n’ai jamais été aussi excité de mon vivant. Ces mains qui te cherchent, qui te griffent qui t’agrippent, je les ressens. Le contact de ta peau souple et douce sous mes doigts noircis me rend  ivre de bonheur. Dans ta lutte désespérée, tu as perdu tout un pan de tes vêtements. Ta jupe, plus que fendue, déchirée, révèle tout à fait la dentelle de tes dessous noirs et j’entraperçois le roux de ta toison. Si j’avais encore du sang dans les veines, il irait si vite qu’il ferait exploser mon cœur supplicié. Plus de bretelles pour ton soutien-gorge, perdu dans la bagarre. Un sein lourd et blanc déborde sur le côté de ton T-shirt à moitié arraché. Tes cheveux, feux sauvage et bouclé, éparpillés sur le pavé, ton regard clair remplie de larmes, ta bouche qui m’implore…Tu es la plus belle chose que j’ai jamais vue.

Mon désir et ma faim insatiable ne forment plus qu’un même maelström d’émotions brûlantes. Mes mains plongent en toi sans effort. Je sens ton corps vibrer, se tordre. J’entends l’émotion dans ta voix, les modulations de tes hurlements, tes yeux qui se révulsent. Je suis au plus profond de ton être, la tête enfoui dans ton giron, fouillant toujours plus loin, sentant ton intérieur chaud et humide palpiter. Chaque bouchée est un délice qui me rapproche de l’extase. Je suis en toi et bientôt tu feras parti de moi. Ma langue lèche ta peau fiévreuse, mes mains pétrissent ta chair pleine, mes ongles te déchirent, mes dents te mordent. Je te dévore. Tes yeux verts fixent le ciel, sans vie. Ta bouche auréolée de sang et de sucs épais est figée dans un hurlement muet. Ton corps a cessé de trembler et n’est plus agité que par ma mastication frénétique. Tu es à moi, rien qu’à moi. Bientôt les autres arriveront attirés par tes appels à l’aide, tes cris d’effroi, tes hurlements de douleur. Ils ne trouveront que tes os. Tu n’es qu’à moi. Maintenant et pour le restant de mon éternité.

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