mercredi 29 avril 2009

Un jour votre voisin vous tuera...Et vous adorerez ça! (2)

A l’intention d’Adrien Leblanc
25 rue Saint-Abri
92220 Bagneux


Cher Monsieur Leblanc,


Votre lettre m’a particulièrement touché, et je dois vous avouer que je loue le ciel que le sort m’ait désignée à vous. Vous semblez être un homme particulièrement équilibré, sain dans ses lectures, et d’une morale personnelle très stricte. Je ne savais pas que notre voisinage possédait des hommes d’une trempe telle que la votre. J’accepte donc avec une joie certaine votre émouvante déclaration d’homicide. Mais laissez moi vous parler un peu de moi à présent.

Je suis belle. Je suis aussi belle que vous êtes paresseux. Il est dommage que votre choix se soit porté sur moi. Je suppose que vous avez ouvert le botin et cherché un nom au hasard. Joël Moche, est un nom qui sonne plutôt bien vous ne trouvez pas ? C’est sûrement un nom qui a dû vous décider et vous conforter dans votre décision de mettre fin à une vie. Avec un nom pareil, vous êtes vous dit, on ne mérite que de mourir. Le fait que je sois un homme au patronyme si laid a du vous émouvoir, vous désirez me soulager de toute ma misère de Joël Moche. Hélas…C’est une erreur de frappe qu’il faut remercier, et non pas le ciel. Car c’est un vieux pigiste aux yeux fatigués qui vous a guidé vers moi en oubliant deux lettres de mon prénom. Je vous sens fébrile. Et oui, mon nom est Joëlle Moche. Vous redouteriez de tuer une femme ? Ne vous arrêtez pas à un si petit détail. Le fait que je possède 2 chromosomes X ne devrait pas ébranler votre implacable détermination. Si vous avez décidé de me tuer par envie, moi j’ai envie d’être tué. Vous êtes donc fort bien tombé Monsieur Leblanc. Mais oublions cette affaire pour le moment, je désirerai vous donner un peu plus de détail sur ma vie.

Je suis donc incroyablement belle. La vie a un sens de l’humour très particulier. Quand deux êtres aussi laids qu’imbéciles s’unissent et donnent naissance à un poupon exquis et éveillé, c’est que le destin réserve quelque chose de particulier à cet enfant.

J’ai donc passé mon enfance à pousser toujours plus belle et fraîche. Au grand damne de mes parents qui rapetissaient et s’enlaidissaient aux fil des ans. Quand on est un Moche, on a une enfance difficile qui nous forge le caractère me racontai mon père avant que je ne rentre à l’école primaire. Oui, c’est vrai, j’ai eu une enfance particulière. Dans la salle de classe, au premier appel, on m’attendait laide et renfrognée. Mais les rires se turent soudain, quand une main blanche, une présence vaporeuse, une enfant délicieuse, une voix douce et sucrée s’éleva : « Présente ! ». En un mot prononcé, ma venue sur cette Terre avait pris un sens. Les garçons, les filles, les hommes, les femmes. Tous me regardaient comme si j’avais été une apparition. Oui, j’étais présente. Ma seule présence suffisait à justifier mon existence à leurs yeux. Moche devînt soudain le plus beau des noms. Les belles femmes ont un énorme pouvoir sur leur entourage. J’ai pris conscience ce jour là, que j’aurai une emprise sur les gens de mon espèce que personne ne possèderai jamais plus, une fois mon séjour sur cette planète terminé.

Non seulement, j’étais incroyablement belle, mais en plus j’étais doué. Je pouvais donc devenir ce que je souhaitais. Il se trouva que je désirai devenir encore plus influente que je ne l’étais déjà. Je choisis donc de devenir directrice de création en agence de pub. De ce poste, je décide actuellement de ce que les gens voudront acheter demain. Je suis omniprésente, dans les magazines, dans les journaux, à la télévision, dans la rue, dans le métro, dans votre cuisine. Personne ne peut échapper à mon pouvoir. Je suis de plus incroyablement riche. Si l’envie m’en prenait je pourrais acheter n’importe quelle hôtel particulier parisien, pour en faire une résidence secondaire. Il me semble qu’à présent vous avez encore plus envie de me tuer. J’en serai ravie.

Je crois que désormais, je peux vous laisser vous concentrer sur la tache qui vous incombe. Désolé, ce n’est pas une tache, mais une envie. Allez donc jusqu’au bout de votre envie Monsieur Leblanc. Je ne saurai vous retenir. Je dois désormais retourner dominer le monde, et je m’excuse de ne pas pouvoir plus m’attarder dans cette missive.

Au plaisir de notre future rencontre, veuillez agréer, Monsieur Leblanc, mes salutations les plus distinguées.

Joëlle Moche, votre dévouée victime.

2 commentaires:

El_canino a dit…

J'aime beaucoup ce que vous faites. Dis moi qu'il y a une suite !

RiyeT a dit…

Merci ^__^. Pour la suite c'est chose faite!
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