Ecrire c'est comme chier...
Des mots, des textes, divagations de l'auteur. Je cultive l'étrange et le sensuel, le non-sens. Ce qui donne du piquant à la vie. J'aime écrire et j'espère que vous aimerez aussi...N'oubliez pas de tirer la chasse en partant.
samedi 10 août 2013
Jeunes pousses (1/4) - Appréhender l'éternité
Jeunes pousses (2/4) - Prisonnier
Jeunes pousses (3/4) - Kevin et Sabrina
Jeunes pousses (4/4) - Sur la route
mercredi 24 avril 2013
Dernière chance
vendredi 1 mars 2013
Amours charnels
Tu as trébuché en me voyant accourir vers toi. La surprise se mue rapidement en terreur. Tu es comme paralysée par la peur et tu ne parviens même pas à te relever. Te voir fuir en rampant d’une façon si disgracieuse me rend triste, toi qui étais si belle.
Nous ne nous sommes jamais parlé pour ainsi dire, et ce n’est pas maintenant que cela va changer. Pourtant je t’ai toujours observé dans l’ombre, en silence. Gardant pour moi seul ce désir grandissant. Travailler au même étage que toi c’était une chance; et quand bien même nous étions dans des services différents, je pouvais régulièrement t’apercevoir. La pâleur de ta peau parsemée de taches de rousseur. La douceur de tes traits angéliques, comme un pied de nez aux débordements érotiques de ton corps opulent. Tu faisais frémir ma chair quand j’étais un vivant, et tu continues encore par-delà ma mort.
Je n’y peux rien, ce n’est pas contre toi. Je ne suis que le pilote impuissant d’un vaisseau de chair en décomposition. La faim qui m’étreint n’a aucune limite, mais ce corps qui ne m’obéis plus, je le ressens encore. Je n’ai jamais été aussi excité de mon vivant. Ces mains qui te cherchent, qui te griffent qui t’agrippent, je les ressens. Le contact de ta peau souple et douce sous mes doigts noircis me rend ivre de bonheur. Dans ta lutte désespérée, tu as perdu tout un pan de tes vêtements. Ta jupe, plus que fendue, déchirée, révèle tout à fait la dentelle de tes dessous noirs et j’entraperçois le roux de ta toison. Si j’avais encore du sang dans les veines, il irait si vite qu’il ferait exploser mon cœur supplicié. Plus de bretelles pour ton soutien-gorge, perdu dans la bagarre. Un sein lourd et blanc déborde sur le côté de ton T-shirt à moitié arraché. Tes cheveux, feux sauvage et bouclé, éparpillés sur le pavé, ton regard clair remplie de larmes, ta bouche qui m’implore…Tu es la plus belle chose que j’ai jamais vue.
Mon désir et ma faim insatiable ne forment plus qu’un même maelström d’émotions brûlantes. Mes mains plongent en toi sans effort. Je sens ton corps vibrer, se tordre. J’entends l’émotion dans ta voix, les modulations de tes hurlements, tes yeux qui se révulsent. Je suis au plus profond de ton être, la tête enfoui dans ton giron, fouillant toujours plus loin, sentant ton intérieur chaud et humide palpiter. Chaque bouchée est un délice qui me rapproche de l’extase. Je suis en toi et bientôt tu feras parti de moi. Ma langue lèche ta peau fiévreuse, mes mains pétrissent ta chair pleine, mes ongles te déchirent, mes dents te mordent. Je te dévore. Tes yeux verts fixent le ciel, sans vie. Ta bouche auréolée de sang et de sucs épais est figée dans un hurlement muet. Ton corps a cessé de trembler et n’est plus agité que par ma mastication frénétique. Tu es à moi, rien qu’à moi. Bientôt les autres arriveront attirés par tes appels à l’aide, tes cris d’effroi, tes hurlements de douleur. Ils ne trouveront que tes os. Tu n’es qu’à moi. Maintenant et pour le restant de mon éternité.
mardi 26 février 2013
Mighty Real
« I can't catch no man
Hangin’ out at the DISCOTHEQUE !
But I believe in the boogie
Oh, but the boogie don’t believe in me!...»
Le tube disco de Brainstorm résonne dans ses écouteurs et il entamerait volontiers un petit pas de danse tellement la chanson est entraînante, mais la combinaison spatiale ne permet pas de telles excentricités. Du revers de la main il écarte un cadavre qui dérange sa progression. La malheureuse jeune femme d’affaire s’envole en vrillant vers un immeuble d’habitation non loin. Pendant un court instant il entraperçoit sous la jupe de tailleur les dessous de la défunte. Une des petites joies de l’apesanteur. Elle rebondira mollement contre un mur vers une direction nouvelle qui ne l’intéresse pas plus que ça. Peut-être s’envolera-t-elle tout à fait pour quitter les parages de la planète qu’on appelait Terre.
C’était autrefois une rue animée du XIVe arrondissement, à présent les dépouilles et les carcasses de voitures parsèment les airs. Des badauds aux yeux vitreux tournoient sans grâce près des fenêtres d’immeubles haussmaniens. Des scooters sans pilotes font la courses au dessus des toits. La lumière orange des lampadaires illumine la nuit. Les yeux verts brillants des chats vagabonds le suivent avec une avide curiosité. Ils ne doivent pas en voir passer beaucoup des bipèdes dans le coin. Parfois ils bondissent sur son passage fendant l’espace en un sombre éclair, jouant de l’absence de gravité avec grâce et dextérité. Etranges créatures. S’il y avait encore des scientifiques, il aimerait bien en trouver un pour lui expliquer comment ces bestioles font pour survivre dans le vide spatial. A pas mesurés, il se rapproche de sa destination : le supermarché monoprix du coin de la rue. Là-bas, il va chasser sa nourriture pour les prochains jours. Armé d’un filet à papillons, il va capturer les boites de conserves de son choix parmi les milliers de produits en lévitation. Mannequins au teint d’albâtre, vêtements flamboyants, cadavres de caissières, shampooings, aérosols, paquets de chips explosés, des milliers de litres de sodas flottant en gouttelettes multicolores et jets aux formes changeantes. Les boîtes de conserves sont les seules choses qui aient réussis à supporter la différence de pression avec le vide totale. Les chats font leur festin de la nourriture flottante expulsée d’emballages trop fragiles. Il aurait bien trouvé un paquet de chips encore entier pour les enfants. Leur apporter un petit quelque chose de différents pour égayer leur quotidien.
Prisonniers de leur propre survie, coincés dans l’appartement sept jours sur sept, privé de la lumière du jour, Célia et Mathieu trompent l’ennui devant l’écran. A défaut de télévision ils ont des DVD, des jeux-vidéos, parfois des livres. Régulièrement, il fait une sortie pour ramener de quoi les distraire. Sylvie, leur mère, n’aime pas qu’il les gâte de la sorte, mais elle est morte il y a deux semaines et il n’y a plus que dans ses rêves qu’elle peut encore critiquer sa façon de les élever. Ils survivent et c’est déjà ça. Les plantes de la serre fournissent l’oxygène, les panneaux photovoltaïques, l’électricité. L’eau potable, il y en a encore, mais pour combien de temps ? Il trouvera bien quelque chose…Il a trouvé jusqu’à maintenant.
Le filet chargé de provisions, il quitte le supermarché, suivit de près par une bande de chatons curieux. Avant de rentrer, il aimerait voir comment se porte Paris. Poussant fort sur ses jambes, il s’arrache au sol et décolle. Glisser dans le vide, sans sentir aucune résistance, encore aujourd’hui cette sensation le grise. Voler plus haut. Au dessus des hommes, plus haut que n’importe qui, la tête dans les nuages, s’il y en avait encore. Quand la vue le satisfait il stabilise l’altitude à coup de spray coiffant pour les cheveux. Axe ne lui a pas permis de séduire qui que ce soit dernièrement, mais c’est un propulseur efficace en tout cas. De là-haut il contemple la ville et ses habitants qui affleurent en lévitation à sa surface. Comme le pollen s’échappe d’une fleur, les parisiens dérivent dans l’espace dans l’espoir vain de féconder un jour un nouveau monde. La marée haute aspire la Seine et la sort de ses quais, projetant par endroits de larges arcs d’eaux trouble dans la nuit. Du coin de l’œil il repère un chatons un peu trop téméraire qui a tenté de l’imiter et plane sans un bruit les pattes en avant. Le pauvre a mal calculé son coup, il va lui passer à côté et semble s’en rendre compte. Agitant frénétiquement les membres il tente de corriger le tir. C’est peine perdue. Bruno le rattrape, le rejoignant d’un coup bien ajusté de laque à cheveux. Un peu plus et c’était la Lune. Une longue ballade pour sûr. Le jeune félin lui adresse un miaulement muet, mais qu’il sait chargé de remerciements. Puis d’un bond leste qui envoie Bruno valser un peu plus haut, le petit s’en retourne vers le plancher des vaches. Ou plutôt le plancher des chats. Sa trouvaille le satisfait. Il racontera ce joli mot d’esprit à ses enfants en rentrant.
En attendant, il tourne. Les lumières de la ville se confondent aux étoiles plantées dans le ciel infini. La voix sur-aigüe de Sylvester emplit à présent l’espace sonore de son casque, couvrant son souffle court, puis son rire éclatant. La chanson tombe à point nommé, dans cet univers qui n’a plus aucun sens.
« YOUUUUU MAKE ME FEEL !
MIIIIIIIIGHTY REAL !
YOUUUUUU MAKE ME FEEEEEEEL !
MIIIIIIIIIIIGGGHTY REEEEAAAALLL ! »
Il reprend à tue-tête le refrain en entamant sa redescente tourbillonnante à coup de d’aérosol. Les lumières dansent autour de lui et il rit. Bruno, le dernier père de famille. Bruno, le dernier fou. Bruno le dernier amoureux de musique disco.